Flexitarisme et retour au naturel,
comment les artisans peuvent tirer profit de ce phénomène?
Biologiques, végétariens, véganes, durables, éthiques, les français sont de plus en plus attentifs au contenu de leur assiette.
L’heure est à l’alimentation saine et, surtout, au régime flexitarien. Entre jeunes convaincus et ainés curieux et respectueux, le changement est enclenché !
Zoom sur les nouvelles habitudes de consommation : le flexitarisme et de manière plus large le retour au naturel.
L’artisanat a tout intérêt à faire évoluer son offre en ce sens, pour se positionner sur un marché qui se renforce d’année en année.
Comment les artisans bouchers, charcutiers-traiteurs et les boulangers-pâtissiers, glaciers peuvent-ils adapter leur offre pour profiter de ce phénomène ?
Qu’est ce que le flexitarisme ?
La consommation de viande est régulièrement pointée du doigt dans les médias et les scandales alimentaires ainsi que les campagnes médiatiques chocs des militants de la cause animale ont marqué les esprits. Le discours en faveur d’une consommation de protéines végétales a fini par convaincre, avec en tête l’argument d’un moindre impact sur l’environnement et d’un effet bénéfique pour la santé.
Convaincus que certains aliments comme la viande, le sucre, le lait, les produits industriels ne sont plus les bienvenus dans une alimentation saine et équilibrée, les consommateurs et notamment les jeunes se tournent donc vers une alimentation plus naturelle et plus végétarienne.
En fait, il s’agit plutôt de « flexitarisme », c’est-à-dire un mode alimentaire visant à réduire sa consommation de protéines animales au quotidien tout en gardant le plaisir de déguster occasionnellement de la viande mais en privilégiant sa qualité (producteurs locaux, boucherie artisanale, traçabilité,…).
Définitions
Végétarien (veggie) : exclut toute chair animale (viande rouge ou blanche ou poisson) mais consomme des oeufs, des produits laitiers, du miel.
Végétalien : exclut tout aliment d’origine animale : viande, poisson, œufs, produits laitiers, miel.
Végane : exclut tout aliment d’origine animale dans l’alimentation, comme le végétalien mais aussi dans l’habillement, la cosmétique… Il ne fréquente pas les zoos, ni les cirques avec animaux.
Flexitarien : végétarien « flexible », il consomme de la viande ou du poisson en cherchant à augmenter sa quantité de protéines d’origine végétale.
Nutrition : une alimentation équilibrée en acides aminés d’origine végétale peut être obtenue en associant différents aliments végétaux : des graines de légumineuses (lentille, fèves, pois …) avec des céréales (riz, blé, maïs…). L’OMS recommande des apports de 50 à 70g/jour/habitant dont 25 à 35g d’origine animale. En France, la consommation est de 85 à 90g/jour/habitant, dont 65 à 65 g d’origine animale.
Que représentent les flexitariens?
La viande : moins consommée mais toujours importante pour les français
Les ventes de viande et de plats à base de produits carnés diminuent. Les français ont modifié leurs habitudes de consommation : la part des français consommant au moins 8 fois par semaine de la viande a baissé de 2 points entre 2014 et 2017.
L’étude Ipsos commandée par Interbev témoigne que les français ont bien été marqués par le courant ambiant anti-viande puisqu’ils sont 46 % des sondés à déclarer avoir réduit leur consommation de viande. 18 % ressentent de la culpabilité à en manger et 65 % estiment que l’on mange trop de viande et qu’il faudrait réduire sa consommation.
Par contre, 73 % des personnes interrogées affirment qu’elles ne comptent pas arrêter d’en manger. De plus, la part des faibles mangeurs de viande (consommation 2 à 3 fois par semaine seulement ou encore moins) atteint tout de même 50 %.
9 % des sondés ne consomment pas ou très peu de viande (moins d’une fois par semaine). Ce pourcentage atteint 14 % chez les 16-24 ans.
En 2017, 34 % des foyers français comptent au moins une personne ni végétarienne, ni végétalienne mais tendant à réduire ou limiter sa consommation de protéines animales.
On constate que parmi les flexitariens, la part des moins de 35 ans augmente ce qui laisse présager une situation pérenne dans le temps puisque les consommateurs ont globalement tendance à conserver leurs habitudes alimentaires en avançant avec l’âge.
Tous futurs veggie ?
Les moins de 25 ans (génération Z) sont à la recherche de produits alimentaires bons pour la santé et en phase avec le développement durable de notre planète.
Alors que la génération X (environ plus de 40 ans aujourd’hui) se contentait des solutions proposées par les industries agro-alimentaires et la grande distribution. La génération Y (entre 20 et 40 ans) a commencé à être militante. Une partie, de plus en plus importante, comprend que notre alimentation est un élément indispensable à notre santé (bio, sans gluten…) et à notre environnement (circuits courts…). La génération Z est « incarnée » par une alimentation responsable et c’est désormais normal de manger mieux et plus sain !
Tout laisse donc à penser que le phénomène du flexitarisme va se poursuivre et s’amplifier.
Les bouchers charcutiers-traiteurs et le flexitarisme ?
S’ils ont réduit leur consommation, les français accordent malgré tout leur confiance dans ce que peut leur apporter la viande. Ils sont 88 % à penser qu’elle fait partie de l’équilibre alimentaire.
Le poids de notre gastronomie française avec ses nombreuses recettes à base de protéines animales et la revendication des nouvelles générations de consommateurs à un retour à l’authenticité, aux recettes de grand-mère… laissent présager que les consommateurs continueront à consommer de la viande.
89 % des français sont d’accord avec l’idée de manger moins de viande mais de meilleure qualité. Et ils sont 86 % à dire que les éleveurs français produisent une viande de qualité.
Miser sur la viande de qualité
Si les industriels de la viande s’inquiètent de cette nouvelle tendance et de la baisse régulière de la consommation de viande, les boucheries artisanales elles, n’ont pas, ou peu, de soucis à se faire. Ce sont justement vers ces boucheries traditionnelles, de proximité que les semi-végétariens peuvent se diriger pour trouver la viande qu’ils recherchent : de la viande de qualité, 100 % muscle, locale, traçable. Les valeurs incarnées par la boucherie artisanale à savoir la proximité, le respect de l’éthique et la qualité correspondent aux attentes de ces nouveaux consommateurs.
C’est le moment pour les artisans bouchers de mettre en avant leurs atouts et de communiquer sur la provenance de leur viande (éleveur, race, mode d’alimentation des animaux…) et sur leur implication dans la recherche de la qualité et le respect des animaux.
Une offre végétale
Les artisans peuvent aussi innover en proposant une offre végétale ! Alors que des boucheries végétariennes, 100 % végétal, ouvrent leurs portes, les artisans charcutiers-traiteurs et les bouchers peuvent aussi compléter leur offre avec des recettes 100 % végétales.
Essor du marché des produits végétaux et des produits biologiques
Même s’ils ne représentent encore qu’un faible pourcentage du chiffre d’affaires total de l’alimentation en France, les produits à base de protéines végétales et ceux de la filière biologique connaissent depuis deux ans un essor fulgurant.
En grandes surfaces, le chiffre d’affaires du traiteur végétal a bondi de 140 % en 2017, tiré par une offre de produits similis carnés en pleine expansion. Mais la veggimania ne se limite plus aux substituts de repas et s’étend aux pizzas, aux burgers, aux sandwichs, aux boissons, aux desserts…
L’offre de produits à base de protéines végétales se multiplie et les filières d’approvisionnement en matières premières végétales commencent à se mettre en place en France pour répondre à la hausse de la demande.
Les flexitariens représentent à eux seuls 60 % des achats en volume du traiteur végétal.
En 2017, le marché du bio dépasse 8 milliards d’euros, incluant la restauration hors domicile, soit une augmentation de plus de 16 % par rapport à 2016. 73% des Français déclarent consommer un produit bio au moins une fois par mois, en 2017.
Le secteur bio demeure le facteur de croissance majeur du secteur alimentaire.
(consultez le dossier « le marché du bio en pleine croissance en 2016 » )
Un nouveau challenge pour les artisans boulangers-pâtissiers et les glaciers
L’artisan boulanger-pâtissier traditionnel répond à l’essentiel de ces nouvelles préoccupations des consommateurs, dès lors qu’il revient à ses fondamentaux : la fabrication maison, l’approvisionnement en circuits courts, le respect des saisons, la sélection d’ingrédients nobles, le choix de filières agricoles bio ou responsables, l’introduction de denrées végétales variées et moins raffinées.
Le boulanger-pâtissier peut au moins innover en enrichissant son offre d’ingrédients végétaux variés (graines, légumes grillés, crudités, herbes…).
Les plus créatifs peuvent aussi aller sur des terrains encore inconnus avec des variétés rares, originales ou anciennes. À voir la croissance des concepts de boulangeries-pâtisseries healthy (à Paris pour l’essentiel), il semble tout à fait pertinent de proposer une gamme clairement identifiable que ce soit sur le pain, la pâtisserie ou le snacking. N’hésitez pas à marier les approches (bio, paysan, végétarien, sans gluten, sans lactose, paléo, cru, détox…) au gré de vos inspirations !
La pâtisserie crue et végane
La pâtisserie crue ou végane affiche une promesse de santé et de vitalité car elle tend à préserver et à augmenter au maximum les composés naturels bioactifs : vitamines, minéraux, oligo-éléments, antioxydants, acides gras essentiels… La diversité des ressources végétales est donc primordiale. Fruits frais, fruits secs (séchés et oléagineux), légumes et légumineuses, céréales et farines (sans gluten dans le cas d’une offre « gluten free »), cacao cru (non torréfié), sucres naturels (sirop d’agave ou d’érable), laits végétaux (amande, cajou, noisette), huiles et beurres végétaux (coco, cacao), épices et condiments… Les matières premières sont infinies ! Par souci de cohérence, elles doivent aussi être de hautes qualités nutritionnelles, c’est-à-dire fraîches, biologiques ou locales, en supprimant les additifs et les ingrédients trop raffinés (saccharose, amidon, gélatine).
Même si cette pâtisserie 100 % végétale et sans cuisson a ses limites sur le plan technique, notamment en ce qui concerne les textures, elle est intéressante sur le plan créatif. Elle est aussi très ludique.
Pour en savoir plus: www.latoque.fr
Les glaciers artisanaux ont aussi une carte à jouer puisque les glaces et crèmes glacées ne sont pas oubliées par ce phénomène. L’offre vegan se développe également dans ce secteur
Si l’essor du végétal et du naturel est incontestable, les français ne seront pas tous végétariens demain. La viande et ses alternatives continueront sans doute d’exister encore longtemps.
Pour en savoir plus :
Alimentation : la lame de fond du « flexitarisme
Les Echos – 07/12/17
La génération Z est incarnée par une alimentation responsable
airofmelty.fr – février 2018
Les français et la consommation de viande
Etude Ipsos pour Interbev – juillet 2017
Les jeunes, tous futurs veggie
Etude Diplomeo – 17/11/17
Le retour au naturel, une tendance à dimension variable
La toque magazine n°287 – janvier 2018
Flexitarisme : effet de mode encombrant ou opportunité commerciale?
La Boucherie Française n°808 – janvier 2017
Veggie, bio : le ticket gagnant
RIA n°792 – septembre 2017
Que pèsent les flexitariens?
Linéaires n°342 – janvier 2018
La veggiemania ne se limite plus seulement aux substituts de viande
Linéaires n°340 – novembre 2017
Que mangerons-nous demain?
Process Alimentaire n°1352 – novembre 2017
Traiteur végétal : l’essor des plats flexitariens
Process Alimentaire n°1346 – avril 2017