Le vrac : une nouvelle façon d’acheter, en plein essor
Alors que la vente en vrac avait quasiment disparu au profit du format préemballé, celle-ci est de nouveau en plein essor. Le vrac connait une croissance considérable : son chiffre d’affaires a été multiplié par 12 en 6 ans pour atteindre 1,2 milliards d’euros en 2019.
Malgré un coup d’arrêt en 2020 avec la crise sanitaire, le vrac poursuit sa démocratisation en séduisant des consommateurs de plus en plus nombreux à vouloir réduire l’impact de leur consommation sur la planète.
Cette tendance, qui s’inscrit dans une démarche « zéro déchet » et antigaspillage, est également portée par un cadre législatif favorisant la réduction des déchets d’emballages et le vrac.
Le vrac a donc de belles perspectives, le marché pourrait atteindre un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros en 2023, selon le Réseau Vrac.
La commercialisation des produits en vrac attire de plus en plus d’acteurs et notamment les grandes marques. Mais si le potentiel est là, le modèle économique et le bilan environnemental restent encore à optimiser.
Etat des lieux du marché du vrac
Le marché de la vente en vrac est en plein boom. De 100 millions d’euros HT de chiffre d’affaires en 2013, le secteur est passé à 1,2 milliards d’euros en 2019, soit une multiplication par 12 en 6 ans. Même partiellement ralentie par la crise, la croissance du vrac était de + 8 % entre 2019 et 2020 (+ 40 % entre 2018 et 2019).
Une prévision table sur un chiffre d’affaires de 3,2 milliards d’euros HT en 2022 et 8 000 points de vente en 2040 (tous circuits confondus), d’après le réseau franchisé d’épiceries vrac Day by Day. Le vrac représentera 15 % de la part de marché des produits de grande consommation en 2030, selon l’association Réseau Vrac.
milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2019
milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022 (prévision)
part de marché du vrac en 2030 (estimation)
Le Top des lieux d’achat de produits en vrac :
- la grande distribution (GMS) : 57 %
- les magasins bio (43 %).
- les marchés (27 %)
- les épiceries spécialisées dans la vente en vrac (24 %),
- en direct chez le producteur (15 %),
- sur internet (3 %).
LES PRODUITS LES PLUS VENDUS :
LES CIRCUITS DE DISTRIBUTION :
L’offre se diversifie
Aujourd’hui, dominée par l’alimentaire et plus particulièrement l’épicerie sèche (céréales, biscuits, légumineuses), on assiste à un développement des produits de droguerie-parfumerie-hygiène au sein des rayons vrac.
les magasins spécialisés vrac
Les magasins spécialisés vrac proposent une offre variée de produits vrac avec l’épicerie sèche salée et sucrée, les liquides alimentaires, l’entretien et l’hygiène. Certains complètent leur offre par des accessoires pour le vrac (éponges, bocaux, etc.) mais aussi des fruits et légumes, œufs, beurre, crème, etc.
Les grandes surfaces et les magasins bio
Dans les deux autres circuits principaux (magasins spécialisés bio et grandes et moyennes surfaces – GMS), l’offre de produits vrac est essentiellement composée de produits issus de l’épicerie sèche. L’offre progresse rapidement mais avec un peu plus de difficulté. En effet, le rayon vrac exige du temps et de la main-d’œuvre formée et dédiée, ce qui n’est pas le modèle actuel de la grande distribution. Un temps d’adaptation leur est nécessaire.
La loi Climat et Résilience du 24 août 2021 (plus d’infos dans « le vrac porté par un cadre réglementaire » plus bas) qui impose aux magasins de plus de 400 m² de consacrer 20 % de leur surface de vente au vrac d’ici 2030, encourage, d’une part, le développement des rayons traditionnels (à la coupe) vrac dans les GMS en proposant ou acceptant la vente de leurs produits dans des contenants réutilisables, et d’autre part, le développement des rayons vrac en libre-service pour les produits alimentaires et non alimentaires (notamment la cosmétique et la détergence).
Essor du vrac porté notamment par des valeurs environnementales
Il y a un véritable engouement pour le vrac : 62 % des Français souhaitent plus de produits en vrac (74 % épicerie, 58 % entretien, 43 % hygiène-beauté, 30 % aliments animaux).
Le vrac est perçu comme une manière de consommer de manière plus responsable, notamment en éliminant les emballages jetables des produits consommés : chaque Français jette en moyenne tous les ans 50 kilos d’emballages ménagers.
Plus de 4 consommateurs français sur 10 achètent des produits non-emballés au moins une fois par mois (43 % dont 20 % depuis plus de 5 ans), d’après une enquête réalisée par Yougov en novembre 2021.
L’attente envers les grandes marques est forte : 63 % des Français souhaiteraient pouvoir acheter en vrac les produits de grandes marques qu’ils achètent habituellement emballés.
Profil du consommateur de produits en vrac :
40 % vivent en zone rurale ou dans une ville de moins de 20 000 habitants
53 % ont plus de 50 ans
31 % sont retraités
autant d’ouvriers (14%) que de cadres supérieurs (14%)
38 % vivent seuls
60 % consomment des aliments de saison
38 % ne consomment jamais de fast-food
25 % sont flexitariens
Les raisons qui poussent à acheter des produits en vrac :
La réduction des déchets d’emballages (55 % et 62 % des plus de 55 ans)
Limiter le gaspillage en achetant la quantité appropriée (50 %)
Pour payer moins cher (32 %)
Les freins à l’achat en vrac :
L’organisation que cela implique (prévoir ses contenants) (42 %)
L’hygiène (30%)
La non-disponibilité des produits en vrac dans les magasins fréquentés (30 %)
Le manque d’informations sur les produits vendus (composition, conseils, date de péremption, Nutri-score…) (20 %)
Le vrac porté par un cadre réglementaire
Les lois Agec et Climat et Résilience ont introduit des objectifs ambitieux en matière de réduction des emballages, de réemploi et de vrac.
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Définition de la vente en vrac
La vente en vrac fait son entrée officielle dans la réglementation française avec la Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC), parue au journal officiel le 11 février 2020.
L’article 41 de la loi AGEC (modifiant l’article L 120-1 du code de la consommation) définit le vrac comme « la vente au consommateur de produits présentés sans emballage primaire en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants réemployables ou réutilisables ».
La vente en vrac est proposée en libre-service ou en service assisté dans les points de vente ambulants. Elle peut être conclue dans le cadre d’un contrat de vente à distance.
Quels produits sont concernés ?
Tout produit de consommation courante peut être vendu en vrac, sauf exceptions dûment justifiées par des raisons de santé publique. Un décret établissant la liste des produits, alimentaires et non alimentaires, qui ne peuvent pas être vendus en vrac pour des raisons de santé publique est en cours de préparation.
Quelques exemples de denrées dont la vente en vrac est strictement encadrée, voire interdite :
– L’huile d’olive,
– Le lait pasteurisé : la vente en vrac priverait le produit des effets du traitement thermique qui lui a été appliqué et ne serait pas conforme aux dispositions du règlement (CE) n° 853/2004 fixant des règles spécifiques aux denrées alimentaires d’origine animale.
– Les produits surgelés : leur manipulation peut accroître le risque de développement des microorganismes pathogènes au moment de la décongélation.
Obligation en termes d’hygiène et de traçabilité
Comme pour toute vente de produits alimentaires, la traçabilité est une obligation. Le commerçant devra donc conserver les informations pertinentes relatives aux produits vendus.
La vente en vrac pose aussi la question de l’hygiène des équipements. Le commerçant doit y veiller et lutter aussi contre les nuisibles – l’un des défis de la vente en vrac.
Il faut aussi veiller à ce que les matériaux entrant en contact avec les denrées, notamment les contenants de présentation, soient appropriés. Pour la vente en vrac, les bacs, pots ou trémies (ces entonnoirs renversés) sont fréquemment utilisés comme contenants de présentation. Pour ces contenants, les commerces doivent disposer d’une déclaration de conformité ou, à défaut, s’assurer auprès de leur fournisseur de leurs conditions d’usage : les contenants ne doivent en effet être utilisés que dans des conditions prévues (durée, température, usage répété ou unique…) par la déclaration de conformité ou selon les instructions d’usage de l’étiquetage si elles existent ou, à défaut, selon des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d’emploi.
Obligation d’information des consommateurs
Malgré l’absence d’étiquettes apposées directement sur les unités de produits vendus en vrac, certaines mentions sont exigées notamment pour informer le consommateur et le protéger. Le consommateur doit être correctement informé de la dénomination du produit et de la présence d’allergènes, informations obligatoires pour les denrées non préemballées.
Ces mentions doivent être apposées à proximité des produits, par exemple sur un écriteau ou sur une étiquette fixée sur le bac distributeur.
Les denrées alimentaires vendues en vrac relèvent de l’art. 44 du règlement (UE) n° 1169/2009 relatif à l’information des consommateurs (INCO) en tant que denrées alimentaires proposées non préemballées à la vente au consommateur final.
Une officialisation de la pratique des contenants réutilisables pour les consommateurs
Le droit du consommateur d’être servi dans son contenant réutilisable et la responsabilisation du consommateur, sous réserve de l’existence d’un affichage en magasin, est désormais inscrit dans la loi française
Un nouvel article L. 120-2 du Code de la consommation pose désormais le principe que : « Dans les commerces de vente au détail, le contenant réutilisable peut être fourni par le détaillant sur le lieu de vente ou être apporté par le consommateur. Tout consommateur final peut demander à être servi dans un contenant apporté par ses soins, dans la mesure où ce dernier est visiblement propre et adapté à la nature du produit acheté. Un affichage en magasin informe le consommateur final sur les règles de nettoyage et d’aptitude des contenants réutilisables. Dans ce cas, le consommateur est responsable de l’hygiène et de l’aptitude du contenant. Le commerçant peut refuser le service si le contenant proposé est manifestement sale ou inadapté».
En outre, le nouvel article L. 112-9 du Code de la consommation impose que : « Les commerces de vente au détail disposant d’une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés s’assurent que des contenants réemployables ou réutilisables propres, se substituant aux emballages à usage unique, soient mis à la disposition du consommateur final, à titre gratuit ou onéreux, dans le cadre de la vente de produits présentés sans emballage».
Accélérer le développement de la vente en vrac
L’article 23 de la loi Climat et Résilience, promulguée le 22 août 2021, fixe l’objectif pour les commerces de vente au détail de plus de 400 m² de consacrer, d’ici à 2030, au moins 20 % de leur surface de vente de produits de consommation à la vente de produits présentés sans emballage primaire, y compris la vente en vrac.
Un modèle économique et un bilan environnemental à améliorer
Conscients que la demande des consommateurs pour le vrac est en croissance, la commercialisation des produits en vrac attire de plus en plus d’acteurs et notamment les grandes marques, décidées à intégrer dans leur modèle ce changement de mode de distribution et à élargir l’offre produits pour répondre à la demande.
De nombreuses marques expérimentent ce concept. Mais si le potentiel est là, le modèle économique et le bilan environnemental restent encore à optimiser.
Pour les acteurs de l’alimentaire, diversifier ses circuits de distribution avec le vrac comporte plusieurs enjeux : conditionnement, logistique, sécurité sanitaire, contrôle qualité, coût sont à repenser… Mais se pose aussi la question de la visibilité des marques : comment être visible et valoriser ses produits sans le support « emballage » ?
Par ailleurs, peu compatible avec les grosses courses en hypers, le vrac serait plutôt adapté aux petits commerces de proximité.
Le vrac est-il bon pour l’environnement ?
Une récente étude de l’ADEME confirme que l’impact environnemental du vrac est globalement positif mais peut être influencé par les pratiques des professionnels de la distribution comme des consommateurs. Par exemple, une mauvaise gestion des rayons vrac ou des mauvaises manipulations entrainent des pertes de produits qui peuvent renverser ses bénéfices environnementaux.
Pour l’heure le bilan « emballages » est difficile à défendre (produits livrés dans un emballage à usage unique, sachet kraft à usage unique utilisé par le consommateur…).
Le vrac et les risques sanitaires
Les produits en vrac sont plus exposés aux risques sanitaires car ils ne sont pas protégés par un emballage, ce qui nécessite la mise en œuvre de moyens de stockage et de distribution assurant cette protection. Mais aussi l’application de précautions côté consommateur tant en ce qui concerne les pratiques d’achat que les méthodes de conservation des produits chez soi.
Les risques sanitaires liés à la distribution de produits vendus en vrac peuvent être réduits/éliminés si les gestes recommandés et les règles d’hygiène sont appliqués.
Le vrac est-il moins cher ?
Le vrac est-il moins cher que les produits préemballés ? les faits ne permettent pas aujourd’hui de confirmer cet avantage économique supposé.
Une étude comparative des prix de différents produits vendus en vrac par rapport à leurs versions préemballées menée par l’Institut National de la Consommation et l’ADEME montre que pour les produits bio, qui dominent largement dans le panel des produits vendus aujourd’hui en vrac, le vrac est de 4 % à 22 % moins cher que le préemballé. Cependant, ce constat s’inverse pour les produits dits conventionnels, c’est-à-dire non bio.
A l’heure actuelle, le vrac coûte plus cher que le préemballé aux distributeurs, alors que les consommateurs exigent des prix plus compétitifs. Avec le développement de l’offre de vente en vrac par les marques des distributeurs, les prix devraient baisser sur de nombreux produits conventionnels.
Vous voulez en savoir plus ?
Le marché du vrac en France en 2021
Yougov – 06/12/21
La vente en vrac : un marché florissant qui n’en est qu’à ses débuts
Ademe- 26/11/21
Panorama et évaluation environnementale du vrac en France
Ademe – novembre 2021
Denrées alimentaires : la vente en vrac a besoin d’un peu d’ordre
DGCCRF – 04/04/22
Vente en vrac : que sait-on sur cette tendance de la consommation responsable ? [FAQ]
citeo.com – 16/03/22
Vente en vrac : à la recherche d’un bon modèle
Process Alimentaire n°1395 – octobre 2021
Vente de produits alimentaires en vrac : quelles sont les règles à respecter ?
Revue Lamy Droit Alimentaire n°409 – décembre 2020
L’affaire est dans le vrac
Linéaires n°381 – juillet/août 2021